une présentation de Pierre Dompnier, de l'Académie de Savoie.

La confusion créée entre Savoie Province et Savoie Département fait oublier parfois que ce nom recouvrit une acception plus prestigieuse : Savoie Etat.

Etat hétérogène aux yeux des uns qui opposent le Nord et le Sud, les hautes vallées et l'avant-pays ou les vallées entre elles. L'unité, il est vrai, ne remonte pas à la plus haute antiquité : les Allobroges sont soumis par les Romains dès 121 avant J.C. tandis que Centrons de Tarentaise, Médulles et GraÏocèles de Maurienne résistent plus d'un siècle. La Sapaudia des temps barbares a des limites bien floues et, sous Charlemagne encore, la Savoie est distincte de la Maurienne ou de la Tarentaise.

Il faut attendre Humbert aux Blanches Mains, au XIème siècle, pour que, depuis Saint-Jean-de-Maurienne, berceau de la dynastie et nécropole des premiers princes, se constitue peu à peu un état recouvrant les deux versants de la chaîne alpine. Le rôle de "portier des Alpes" a fait la fortune de la Maison de Savoie et, de leur état, un pays d'échanges, de contact, d'ouverture sur le monde. L'acharnement de cette famille à exploiter au mieux ces atouts pour établir sa puissance, l'a amené à jouer un rôle non négligeable dans le concert des nations européennes : deux empereurs, Henri IV d'Allemagne et Frédéric Barberousse, durent négocier leur passage sur leurs terres ; des princesses de Savoie ont régné sur bien des trônes d'Europe...

Ces succès ont créé un certain ciment dynastique qui a dépassé, sans les faire disparaître, les particularismes locaux. Certes, dès le XVIème siècle, la Savoie, berceau de la dynastie et longtemps pièce maîtresse de ses territoires, en a perdu la direction avant d'être sacrifiée, en 1860, à ses rêves monarchiques. Mais les liens créés au cours des siècles n'ont pas disparu. Dans l'esprit de ses habitants, et a fortiori dans celui des Compagnons, la Savoie conserve une identité forte.