par Bernard Demotz, Professeur émérite de l'histoire moyenâgeuse à Lyon III, Président de l'Académie Florimontane

L'utilisation du site du château de Chambéry ne semble pas antérieure à la première moitié du XIe siècle. Les vicomtes de Chambéry érigèrent ici une poype ou motte castrale citée en 1057. Partant d'un pont de bois sur l'Albane, une rampe en S partiellement conservée dans le dispositif actuel donnait accès à une cour et de là à cette hauteur artificielle dominée par une tour.

L'ensemble était important avec une chapelle citée vers 1107, puis avec une maison forte d'une branche cadette. Mais, endettés, les vicomtes vendirent leurs droits durant le XIIIe siècle, alors que la Maison de Savoie voulait faire de Chambéry sa capitale.

Amédée V acquit la poype en 1295 et entreprit de transformer ses abords. D'où la grande tour – porte d'entrée (jadis précédée d'un pont - levis), la seconde porte dite de la herse, le début du bâtiment de la Chambre des comptes, la très vaste cour qui laisse supposer d'énormes terrassements, le grand logis et ses dépendances (à l'emplacement de l'actuelle Préfecture et de l'Hôtel du Conseil Général). Les deux fils d'Amédée V qui lui succédèrent développèrent la décoration.

Amédée VI ajouta le Pavillon de l'Empereur et probablement la Tour Trésorière, Amédée VIII la Sainte Chapelle vers 1408-1416 et la grande tour demi – ronde de l'ouest. Puis le duc Louis remplaça la tour de la Poype par celle dite des Archives qui domine l'ensemble.

Le château devait assurer les multiples fonctions de résidence, d'administration et de défense, tout en permettant les grandes réceptions : ainsi les empereurs de la Maison de Luxembourg, Henri VII en 1310, Charles IV en 1365, Sigismond en 1416. C'était bien le château de la capitale de l'état savoyard et, de façon permanente depuis 1502, l'abri du Saint Suaire.

Mais ensuite les malheurs s'accumulèrent : incendie de 1532, transfert à Turin de la capitale en 1563 et du Saint Suaire en 1578 à cause des menaces françaises, puis aussi envoi de la Chambre des comptes à Turin en 1720, incendie de 1798 probablement d'origine révolutionnaire.

Heureusement Napoléon Ier installa ici son préfet, en 1803 de façon définitive, et ses passages en 1805 et 1807 provoquèrent le début de la restauration générale. Retrouvant ses possessions, la Maison de Savoie, continua les travaux sous les règnes de Charles – Félix (le grand perron de la place), de Charles – Albert (la Sainte Chapelle) et de Victor – Emmanuel (l'aile ouest). A son tour Napoléon III, venu en 1860, fit construire la grande aile du Midi avec son majestueux escalier central, transforma la tour demi – ronde en escalier, restaura la grande tour des Archives. La Troisième République acheva la restauration de la Sainte Chapelle et l'Académie de Savoie fit ériger le monument des frères de Maistre. Le XIXe siècle a sauvé le château qui avait connu quantité d'illustres visiteurs.

Pour Chambéry, le château est le grand monument emblématique, la Préfecture, le siège du Conseil Général et de l'Académie de Savoie, un haut lieu de musique spirituelle, le point d'attraction par excellence des touristes qui s'intéressent à la Savoie. Mais où sont les fastes d'antan ?