Historique : l'Identité Savoyarde
une présentation de Pierre Dompnier, de l’Académie des sciences, belles lettres et arts de Savoie
État, province ou département ? Le nom de la Savoie a ceci de particulier qu’il peut désigner les trois, non sans confusion d’ailleurs ce qui fait que, pour différencier la province de son département le plus méridional, certains parlent des Savoies ou des deux Savoies (même le dictionnaire de l’Académie admet cette exception à l’invariabilité des noms propres). En donnant à l’un des deux nouveaux départements le nom de la province et en qualifiant l’autre de « haute » (ce qui est vrai en latitude, ou par ses plus hauts sommets mais pas pour l’altitude moyenne) l’État créait la confusion. La volonté était alors d’intégrer les Savoyards dans leur nouvelle nation : ce fut l’œuvre des hussards noirs de la République, grands pourfendeurs de particularismes locaux (parlers, coutumes, costumes). Ajoutons même qu’avant la création de l’Université de Savoie, les étudiants n’ont guère eu l’occasion d’étudier son histoire aux Universités de Grenoble ou de Lyon.
Il est vrai qu’il fallut attendre Humbert aux Blanches Mains, au XIème siècle, pour assister à la naissance de l’État gouverné par la plus longue dynastie régnante d’Europe. Il n’est donc pas étonnant qu’aux yeux de certains une certaine hétérogénéité l’emporte : on aime opposer le nord et le sud, Annecy et Chambéry. On met en exergue le microcosme des vallées, les prétendus antagonismes tarins et mauriennais, la coupure qui les sépare de l’avant-pays…
Pourtant, dans l’esprit des Savoyards, la Savoie conserve une identité très forte. Adossé aux Alpes devenues frontière, l’État constitué par la Maison de Savoie en recouvrait les deux versants et s’est construit grâce à son rôle de « Portier des Alpes ». L’acharnement de cette famille à utiliser cet atout pour bâtir sa puissance a fait de la Savoie un pays d’échanges, de contacts, d’ouverture sur le monde, un État non exempt de particularismes mais uni par le ciment dynastique.
Certes, dès le XVIème siècle, la Savoie, berceau de la dynastie et longtemps pièce maîtresse de ses territoires, en a perdu la direction avant d'être sacrifiée, en 1860, à ses rêves monarchiques. Mais les liens créés au cours des siècles n'ont pas disparu. Dans l'esprit de ses habitants, et a fortiori dans celui des Compagnons, la Savoie conserve une identité forte.